lundi 14 mai 2012

L'autre rive du monde

Auteur : Geraldine Brooks
Editions : Belfond (2012)
Nbre de pages : 372

Présentation de l'éditeur :
Aux États-Unis, Massachusetts, 1660-1715.
Installé avec une poignée de pionniers anglais sur les terres de Martha’s Vineyard, une île au large de Cap Cod, le pasteur John Mayfield, homme de foi et grand humaniste, s’est donné pour mission de repousser les frontières du paganisme et d’amener au calvinisme les tribus Wampanoag locales.
Un jour, alors qu’elle explore l’île, Bethia, la fille du pasteur, croise le chemin du jeune Cheeshahteaumack. Une rencontre incongrue, premier pas vers une amitié aussi inébranlable que secrète. Curieuse, Bethia se laisse initier aux rites païens des Wampanoag. En échange, la jeune fille accepte d’enseigner l’anglais et les Saintes Écritures à son nouvel ami, qu’elle rebaptise Caleb.
Mais lorsqu’une épidémie de variole emporte sa tribu, Caleb trouve refuge auprès de John Mayfield. Intrigué par sa formidable intelligence, le pasteur va faire de ce jeune Indien un modèle d’intégration et de conversion. Son obsession : l’envoyer à Harvard afin d’en faire le porte parole de Dieu. Dans l’ombre de Caleb, Bethia tente elle aussi de trouver un chemin pour dépasser sa condition de femme et assouvir sa soif de connaissance… 
 
Mon avis :
 
J'ai mis à peu près une semaine pour lire cet ouvrage. Malgré le nombre de pages relativement correct pour un livre de ce genre, j'ai malgré tout dû prendre mon temps pour bien m'imprégner de l'ambiance, des obligations des uns et des autres, de tout ce que cela entraînait pour les tribus indiennes de se voir juger par les blancs, et donc de digérer ce qui était écrit dans ce livre.
 
Je me suis très vite attachée à Bethia, cette jeune fille de 12 ans au début de l'ouvrage qui va aussi nous raconter ce qu'était la vie d'une fille de pasteur dans le quotidien.
 
On ressent, dès le début, que cette jeune fille est très différente par sa volonté d'apprendre, de se voir juger parce qu'elle est un sexe faible alors qu'elle n'aspire qu'à devenir elle-même pasteur, comme son père.
 
Idée totalement saugrenue, bien entendu.
 
Qui accepterait de former une fille, de l'envoyer dans une école comme Harvard alors qu'on le sait très bien, les femmes ne sont faites que pour élever les enfants, faire à manger, s'occuper de la maison...?
 
"Bethia, pourquoi cherches-tu aussi obstinément à quitter la place que Dieu t'a assignée ?" Sa voix (celle de son père) était douce, dénuée de colère. "Ta voie n'est pas celle de ton frère, cela ne peut être. Les femmes ne sont pas faites comme les hommes. Tu cours le risque d'embrouiller ton cerveau en pensant à des sujets intellectuels dont tu n'as pas à te préoccuper. Je me soucie uniquement de ta santé présente et de ton bonheur futur. Il n'est pas convenable qu'une épouse en sache plus que son mari... [...] Améliore ton intelligence d'une manière utile et honorable, dans les choses qui conviennent à une femme." (p. 31-32)
Je n'ai pas eu de mal à me mettre à la place de Bethia. Tout comme elle, accepter de telles conditions de vie étaient difficile à imaginer même si c'était le lot de ces femmes à l'époque.
 
De plus, son amitié secrète avec un jeune indien ne fait qu'accentuer sa volonté farouche d'évangéliser par ses propres moyens ceux que l'on considère comme des païens, des sauvages. Elle sait pertinemment que si elle est découverte cela aura des répercussions tant sur elle que sur Caleb mais sa passion d'apprendre est tellement forte qu'elle en oublie les interdits.
 
Là où j'aurais cru que l'ouvrage se tournerait davantage sur le côté historique de la propagation de l'évangélisation des tribus et comment cela se déroulait pas à pas, je me suis rendue compte petit à petit qu'on tournait davantage sur une histoire imaginaire basée sur des faits réels.
 
D'ailleurs, l'auteur l'explique très bien à la fin du livre, dans la postface : "L'autre rive du monde est inspiré par une histoire vraie. C'est pourtant une oeuvre imaginaire. Ce qui suit est le contexte historique que j'ai pu reconstituer à partir de documents : le fragile échafaudage sur lequel j'ai posé mon édifice imaginaire." (p. 367)

Du coup, on suit cette évangélisation par le biais de l'amitié qui devient inébranlable au fil du temps entre Bethia et Caleb. On les suit aussi dans leurs envies d'apprendre les coutumes l'un de l'autre mais  aussi la volonté farouche de Caleb de prouver que tout indien qu'il est, il est autant capable qu'un blanc.

L'ouvrage tend aussi à montrer les conditions de vie relativement précaires pour les jeunes hommes qui se décidaient à entreprendre des études à Harvard. J'ai été sidérée par quantité de révélations. Je ne me doutais pas du tout que cela se passait de telle manière.
 
Enfin, le style de l'auteur m'a totalement conquise. Elle est d'une douceur et d'une réalité surprenante. C'est comme si vous étiez propulsé au 17ème siècle sur cette petite île puis à Cambridge. A aucun moment, le ton ne prend de l'agressivité. Tout n'est que constatation d'une vie écoulée qui nous est racontée par une femme à la fin de son existence.

Tout au long de ces 370 pages, je me suis attachée à Bethia et Caleb. J'ai aimé les suivre, apprendre d'eux et à travers eux ce qu'il faut de courage et d'amitié pour surmonter les épreuves qu'ils ont vécus l'un et l'autre.

Geraldine Brooks m'a vraiment conquise tant par l'histoire racontée que par son écriture si fluide qui emporte le lecteur. J'ai fait une jolie découverte qui, je l'espère, plaira à d'autres lecteurs qui, tout comme moi, aiment retrouver dans les romans ce mélange d'Histoire et de romance.

3 commentaires:

  1. Ton avis sur ce roman me pousse à la curiosité. Je le mets dans ma Wish-list, peut-être l'auront-ils à la médiathèque.
    Merci pour le partage.
    Bonne semaine.

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  2. Je reviens après 10 jours d'absence pour cause de congés... Tu m'as convaincu de lire ce roman... je note !

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  3. Cela fait le 2ème que je note de Geraldine Brooks. Il va bien falloir que je me plonge dans son monde.
    Merci !

    Le Papou

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