lundi 18 avril 2011

Un long silence

Auteur : Mikal Gilmore
Editions : Sonatine (2011)
Nbre de pages : 565

Présentation de l'éditeur :
Gary Gilmore est l’un des condamnés à mort les plus célèbres des Etats-Unis. Après avoir passé une partie de sa vie derrière les barreaux pour vols à main armée, il fut accusé de meurtre en juillet 1976, au moment même où la Cour Suprême, dix ans après la dernière exécution, venait d’autoriser à nouveau la peine capitale. En réclamant lui-même sa mise à mort, plutôt qu’une peine de prison à perpétuité Gilmore enflamma le débat dans tout le pays. Il sera finalement exécuté le 17 janvier 1977 au matin. Quelques années plus tard, Norman Mailer lui consacrera un de ses chefs d’oeuvre, Le Chant du bourreau. Le frère cadet de Gary, Mikal Gilmore, rédacteur en chef au Rolling Stone magazine, aura tenté pendant des années de mettre cette histoire tragique de côté. En vain. Avant qu’elle ne dévaste complètement son existence, comme elle a dévasté les siens, il s’est décidé à la mettre par écrit, pour essayer de mieux comprendre son héritage, dénouer les liens du sang et échapper à la malédiction familiale. Poussé par l’urgence et un instinct de survie impérieux, il s’est ainsi lancé dans une véritable enquête, à la fois affective, douloureuse, sans concessions, sur sa propre famille, sur son enfance, sur ses origines, entreprenant ainsi un sombre voyage, au terme duquel il a découvert un terrible secret. Avec une force d’émotion rare, il nous donne un document passionnant, à la fois cru, intime et puissant, sur les traumatismes et la résilience, qui n’est pas sans évoquer De sang-froid de Truman Capote dans sa description de l’Enfer Américain. Un document
humain, trop humain, qui en aucun cas ne laissera le lecteur intact.

Mon avis :

En 1979 sortait "Le chant du bourreau" de Normal Mailer (mon avis ICI). Cette oeuvre monumentale dressait tant le portrait de Gary Gilmore que du système judiciaire américain.

En 2011, les Editions Sonatine publient un ouvrage exceptionnel avec "Un long silence". Mikal Gilmore, le frère de Gary, a décidé de dévoiler ce que fût la famille Gilmore et tenter d'expliquer comment et pourquoi son frère est devenu un meurtrier.

A travers divers témoignages mais surtout celui de Frank Jr (son frère aîné) et ses propres souvenirs, Mikal Gilmore a fait de ce livre un document poignant, émotionnellement éprouvant qui fait de "Un long silence" un parfait complément au "Chant du bourreau".

Tout au long de ma lecture, il m'a été impossible de ne pas faire de rapprochement avec ce que je me souvenais du personnage de Gary et de sa famille.

Le moins que l'on puisse dire c'est que Norman Mailer a parfaitement compris qui était Gary Gilmore pour le dépeindre aussi bien, au point que l'ouvrage de Mikal Gilmore m'a juste confirmé ce que son frère était : un enfant battu, cherchant désespérément l'attention et l'amour d'un père qu'il n'aurait jamais et avec qui les institutions américaines ont fait chou blanc !

Mais l'ouvrage ne se cantonne pas uniquement au personnage de Gary. C'est bel et bien l'ensemble de la famille qui est concerné. Et on en apprend beaucoup.

Mikal Gilmore nous la présente depuis la rencontre de ses parents jusqu'aux années 1991. Dans ce laps de temps, beaucoup d'évènements vont se produire.

Je ne détaillerai pas plus le livre pour ceux qui voudraient le découvrir alors que, honnêtement, j'en meure d'envie. Il y a tant à dire dessus et de leçons à retenir !

Globalement, je me suis tellement investie dans cette lecture que j'en suis sortie vidée, épuisée nerveusement. Je me suis dit que tout ça était un véritable gâchis.

Le pire, si je puis dire, c'est que l'auteur écrit d'une façon humble; on est très loin du pathos et il ne cherche pas non plus à trouver forcément d'excuses à tout les actes commis par ses frères et à cette famille qu'il aurait voulu différente.

Le plus dur c'est de percevoir son mal-être et tout ce qu'il entraîne juste parce qu'il est le frère d'une personne "célèbre" par ses mauvais côtés.

"J'ai essayé pendant des années d'être poli ou de me blinder. J'encaissais un à un les commentaires des gens qui bafouaient leur intelligence et leur grâce avec leurs réflexions et leurs plaisanteries, et, à chaque fois, quelque chose en moi tressaillait. Je me disais que personne n'oublierait ni ne me pardonnerait jamais d'être le frère de ce putain d'assassin mort. J'ai un peu appris à quoi ça ressemblait de vivre après un châtiment; en tant que parent vivant, vous devez supporter une partie du fardeau et de l'héritage de ce châtiment. Les gens ne peuvent plus insulter ni blesser Gary Gilmore, mais comme vous êtes son frère - même si vous ne lui ressemblez pas vraiment - , ils peuvent s'en prendre à vous.C'est comme si toute personne issue d'une famille qui a produit un assassin devait elle aussi avoir en elle la même souillure, la même cruauté, comme si elle devait aussi être d'une manière ou d'une autre responsable de la violence qui s'est produite et porter la marque d'un héritage effrayant et honteux. C'est comme s'il y avait une culpabilité dans le simple lien du sang." (p. 502)

Je crois que c'est ce qui est le plus insupportable lorsqu'on lit un tel ouvrage : se rendre compte que les gens sont vites catalogués, qu'on se méfie d'eux et la méchanceté gratuite qui en découle.

On dit que la violence engendre la violence. Rien n'est plus vrai dans cet ouvrage.

Du début à la fin, soit sur plus de 500 pages, elle est omniprésente : si ce n'est pas par les actes, c'est par le regard ou les sous-entendus.

Comment vivre avec cette violence quotidienne qui vous remue les tripes ? On ne peut pas ! C'est impossible ! On tente de faire avec sans trop en souffrir ou en tentant de parer les coups.

Le fait que ce soit Mikal Gilmore qui ait fait ce livre et non un autre auteur donne une dimension encore plus poignante. On se prend des uppercuts en même temps que les membres de cette famille.

On ressent en lui ce besoin de raconter pour tenter de vivre après tout ce qui s'est produit, de se reconstruire enfin au bout de tant d'années sans y être arrivé !

Je le dis haut et fort, c'est un livre qu'il faut se sentir capable d'aborder tant les émotions sont fortes.

Je ne regrette absolument pas de l'avoir découvert même s'il m'a mise KO et je suis d'autant plus satisfaite d'avoir lu "Le chant du bourreau" avant. Cela m'a permis vraiment de mieux comprendre ce que Mikal Gilmore avait à raconter sur son passé.

Du coup, si vous vous sentez capable de l'ouvrir, n'hésitez pas une seule seconde. C'est un livre exceptionnel mais qui, comme le précise la présentation de l'éditeur, "ne laissera pas le lecteur intact".

Je remercie grandement les Editions Sonatine et Blog-o-Book pour ce partenariat.

9 commentaires:

  1. il ne me tente pas trop, malgré ton avis... désoléee !

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  2. Tu as réussi à m'intriguer sur cette histoire dont j'ignorais tout (my bad!).Je ne suis pas sûre de vouloir lire deux livres apparemment assez similaires sur ce sujet donc lequel me conseillerais-tu de lire? Le chant du bourreau ou celui-ci?

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  3. @ Anne Sophie : Pas graveee ! :) Je comprends ;)

    @ Zarline : ben les 2 valent le coup. "Le chant du bourreau" est plus porté sur le personnage de Gary Gilmore et sur l'enquête menée et toute la procédure judiciaire qui suit les meurtres. Il est long, dense mais il vaut le coup. "Un long silence" est, à mon sens, un complément dans la mesure où son frère explique comment ils ont vécu dans cette famille catholique par le père et mormone par la mère. Pas évident de faire un choix mais à la rigueur commence par "Le chant du bourreau". Et tu verras par la suite si tu tentes "Un long silence" ou pas. :)

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  4. C'est quand un livre laisse autant de traces qu'il l'a fait sur toi que cela me donne envie de le lire ; quitte à souffrir pendant la lecture. Mais vraiment je suis époustouflée par ton article.Je reste avec une certaine émotion dans la gorge et une envie de le lire pour donner vie à tout ce que tu viens d'écrire. Bravo ; je le note sans restriction.
    Anne (De poche en poche).

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  5. @ Anne : merci pour ton commentaire, Anne. J'espère qu'il te parlera autant qu'à moi. Je n'ose même pas dire "bonne lecture" tellement c'est peu approprié avec ce genre de bouquin. Mais le coeur y est ! ;)

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  6. On sent dans ton billet combien ce livre t'a remuée, t'a mise KO. Je ne me sens pas d'attaque pour ce genre.

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  7. Merci pour ta chronique!
    J'ai lu le chant du bourreau et j'avais envie de découvrir celui-ci. Tu m'as convaincue!

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  8. J'ai lu "Le chant du bourreau" il y a maintenant très longtemps. Il fait parti de mes 10 livres préférés, je l'ai lu en une journée. Maintenant je m'attaque à "Un long silence", j'en suis à la moitié et je suis bien d'accord avec toi pour dire que c'est aussi un livre très dense et très fort.

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